Lucebert

De son vrai nom Lubertus Jacobus Swaanswijk, Lucebert est né en 1924 à Amsterdam, aux Pays-Bas. Passionné très tôt par l’art et la littérature, il formule le souhait de devenir artiste mais il doit assister son père, peintre en bâtiment de profession, pour subvenir aux besoins de la famille. Il est admis à 15 ans à l’Institut des arts et métiers d’Amsterdam, où il découvre Dada et le Surréalisme, mais son père lui impose de cesser ses études au bout de six mois, et de trouver un métier. Lucebert entame par la suite une vie errante, et commence à dessiner et à écrire régulièrement. Influencé par un séjour à Paris en 1948, il développe une poésie ouvertement expérimentale, faite d’associations d’images polysémiques et d’une grande musicalité évoquant les techniques du jazz. Il rencontre la même année le journaliste et poète Gerrit Kouwenaar qui le présente au groupe littéraire expérimental néerlandais. Revendiquant l’improvisation, la spontanéité et une liberté totale, sa démarche poétique jette les bases d’une innovation révolutionnaire dans la poésie néerlandaise qu’il transforme en profondeur, avec les poètes expérimentaux du Mouvement de 50 dont il est la figure de proue. Hostile à tout système, qu’il soit esthétique, politique ou religieux, Lucebert croit en la nécessité de créer une langue nouvelle pour s’opposer aux paroles dominantes, et fonde ce qu’il appelle la langue « analphabétique ». Proche des peintres Karel Appel, Corneille et Constant, il participe à la première exposition du groupe CoBrA en 1949 au Stedelijk Museum d’Amsterdam, et publie son premier livre de poésie en 1951. Il fait paraître de nombreux recueils tout au long des années 1950, avant de se consacrer plus intensément au dessin et à la peinture dans les décennies suivantes. Sous l’impulsion de Bertolt Brecht qui le pousse à venir s’installer en Allemagne, l’académie des Beaux-Arts de Berlin lui octroie une bourse en 1955, et le Stedelijk Museum (qui possède aujourd’hui un très grand fonds de l’artiste) lui consacre une première grande exposition en 1959. Son  œuvre picturale, qui revendique la même émancipation que celle de ses poèmes, est peuplée de personnages grotesques et de créatures fantastiques inspirées de dessins d’enfants, entre naïveté, jouissance colorée et carnaval tragique de la monstruosité humaine. Il participe à des expositions dans différentes parties du monde (du Japon au Mexique en passant par les États-Unis), expose régulièrement dans toute l’Europe et reçoit des prix à la biennale de Paris en 1959 ou à celle de Venise en 1964. Il est présent dans les collections de nombreux grands musées à travers le monde, dont le Rijksmuseum à Amsterdam, le MoMA et la fondation Guggenheim à New York, l’ivam à Valencia ou la Tate Gallery à Londres. Après deux décennies où ne paraissent que de minces plaquettes, il renoue avec la poésie au début des années 1980, et publie plusieurs recueils jusqu’à sa mort en 1994, à Alkmaar. Considéré comme l’un des poètes les plus importants du xxe siècle aux Pays-Bas, Lucebert a reçu les prix les plus prestigieux dans son pays, notamment le prix de Littérature de la ville d’Amsterdam en 1954, le P. C. Hooftprijs en 1967 et le Prijs der Nederlandse Letteren en 1983. Son œuvre poétique a régulièrement fait l’objet d’anthologies depuis les années 1960 et elle est traduite dans de nombreuses langues à travers le monde, du hongrois au chinois en passant par l’espagnol, le portugais ou l’anglais.