Esther Tellermann

Corps rassemblé

 

 

 

 

 

 

 

Ariane fut-elle

rugueuse ou 

    douce

qui l'abandonne ?

Qui la laisse

creuser le sable et

    la blessure

attendre les psaumes

    les clartés

qui l'écartèlent

les lunes blanches

    où s'engloutir ?

 

Esther Tellermann, dans ce texte écrit suite à plusieurs visites de l’atelier du peintre Claude Garache, opère une remontée vers les origines, plonge les mains dans la première argile des hommes, pour faire surgir une matière des corps. Les poèmes remontent le temps comme une embarcation discrète, s’affranchissent du cadre, et reprennent l’histoire à sa source ; les époques tissées sous le sommeil des hommes, l’incarnation répétée, vers un visage individuel issu de la masse informe des visages. Vers une sœur : toutes les femmes. Esther Tellermann vient habiter le corps, lui rendre sa pesanteur, sa surface terrestre et son épaisseur. Elle invoque dans un même geste, solitaire et rouge, « le visible et l’absence ». Les symboles oui, les ors et les martres, les archipels et les églantiers, mais surtout les reins et cuisses, genoux, seins, nuques, paumes : comment le corps s’extrait des ombres, des silences, jusqu’à la brûlure et la blessure, celle de « la vie ouverte ». 

Les rouges, les bleus, les gris et les verts sont ici des vapeurs antiques, des brumes entourant la question irrésolue de notre présence sur la terre, formes et âmes à demi transparentes, à peine esquissés déjà disparues, mortelles dans la lumière. Ce corps rassemblé s’écrit contre la solitude, notre inquiétude et notre évanescence. C’est une traversée, fragile, à travers les nuits et les âges, à travers les murmures et les peurs, les mers et les hivers, de « la respiration d’un seul monde ». Pour fixer la présence du corps, rassembler son poids dans une lente incantation, dans la répétition de formules égrenées comme des prières, comme pour préserver au creux de la paume la fragile incarnation de l’homme au milieu de l’univers, que menace aussi sa propre folie.

Esther Tellermann, après Yves Bonnefoy, Edmond Jabès ou Philippe Jaccottet, s’empare à son tour dans ce livre à la fois doux et tumultueux, de ce corps jamais figé, toujours à naître qui est au centre de l’œuvre de Claude Garache, pour inventer une Ariane dont on suit le fil, guide inconscient suspendu entre la chair et le ciel, du premier mouvement jusqu’à l’incertitude de la limite.

 

2020, imprimé en typographie

format 15 x 21 cm, 128 p., 9782877042215, 21 €

Tirage de tête

Tirage limité à 33 exemplaires numérotés sur Vélin de Rives,

répartis comme suit :

 

11 exemplaires numérotés de 1 à 11, accompagnés d'une gravure originale de Claude Garache, signée, tirée par l'atelier René Tazé à Paris, et d'un poème manuscrit d'Esther Tellermann.

250 €

 

22 exemplaires numérotés de 12 à 33, accompagnés d'une gravure originale de Claude Garache, signée, tirée par l'atelier René Tazé à Paris.

200 €