L’Œil bande ouvre grand l’espace de la ville mêlé à l’espace intime, dans une fragmentation des perceptions reflétées sur la rétine. Promenade sensorielle, qui attrape au passage le détail des vitrines, le flash des ampoules, le noir des rues, dans une restitution du regard et de ses clignements, dans la mobilité permanente de l’œil qui embrasse dédales de rues, d’immeubles, façades de pierres. Emmanuel Laugier use de cette disparité de perceptions et d’informations pour nous rendre le monde dans un enregistrement en direct. Cette sensation – debout, chaotique – d’être au fil du texte, sur la bande passante d’un œil qui déroule ses barres de rues, ses misères d’hommes perdus, ses anonymats. Humanité animale, étalée, prise dans les phares crus d’une réalité syncopée. A travers la fente, quelque part à travers la vitesse affolée du nerf optique, dans un saisissement des choses aperçues, toucher le corps, atteindre l’autre, se retrouver, quelque part au milieu de cette humanité qui se déplace. Nos vies battent dans les rues, nos vies hantent les rues, agitations sous le ciel. Sous la neige qui recouvre le jour, multiplie les réflexions, l’œil neige vers la lenteur, vers le plan fixe. L’œil fixe.
Postface d'Anne Malaprade
2016, 128 pages, format 15x21 cm, ISBN 978-2-87704-173-7, 20 €